Les capteurs de vision événementielle libèrent un potentiel inattendu pour l’imagerie super-résolue

Des recherches de pointe ont permis d’obtenir des progrès significatifs dans l’imagerie de fluorescence de super-résolution grâce à l’utilisation de capteurs événementiels (EBS pour event-based sensor en anglais). Dans un effort collaboratif piloté par des chercheurs à l’Institut Langevin (ESPCI Paris, CNRS, Université PSL), en collaboration avec le DHNS (INSERM, Université Paris-Saclay) et l’Institut de la Vision (CNRS, INSERM, Sorbonne Université), ce type de capteurs ont surpassé les caméras scientifiques traditionnelles dans la microscopie de localisation de molécules uniques (SMLM pour single-molecule localization microscopy), repoussant les limites de résolution temporelle.

Historiquement, la limite de diffraction de la lumière a restreint les microscopes optiques à la résolution de 200-300 nanomètres. Toutefois, au 21e siècle, les efforts intensifiés des chercheurs ont permis de surmonter cette barrière, menant au Prix Nobel de Chimie 2014 pour la microscopie de fluorescence à super-résolution. Une méthode clé, la SMLM, se base sur le marquage des protéines d’intérêt avec des molécules fluorescentes qui clignotent, permettant d’être localisées une par une avec une précision nanométrique. Ainsi, des images à super-résolution sont reconstruites comme un tableau pointilliste, dépassant la résolution limitée par la diffraction d’un ordre de grandeur.

Les capteurs événementiels, également connus sous le nom de des capteurs à vision neuromorphique, ont un mode de fonctionnement différent aux caméras classiques. Inspirés par l’œil humain, ces capteurs sont composés de pixels asynchrones qui réagissent aux changements de luminosité avec une précision temporelle remarquable. Avec leur faible consommation d’énergie, leur volume de données réduit, leurs temps de réponse rapides et leur rentabilité, les capteurs événementiels ont un potentiel considérable dans le domaine de l’imagerie biologique, en particulier pour capturer le comportement asynchrone et dynamique des fluorophores SMLM.

Les chercheurs ont mis en œuvre avec succès la microscopie de localisation de molécules uniques basée sur les événements, appelée Eve-SMLM. Cette nouvelle approche produit non seulement des images à super-résolution d’une qualité et d’une résolution comparables à celles des caméras scientifiques traditionnelles, mais elle surmonte également les limitations de l’imagerie à haute densité, quand les images de fluorophores individuels se superposent. Alors que les caméras conventionnelles échouent dans de tels scénarios, l’Eve-SMLM excelle en détectant sélectivement les transitions ON et OFF, en extrayant des informations cruciales et en effectuant un rééchantillonnage temporel efficace.

L’Eve-SMLM marque un changement de paradigme pour la microscopie de molécules uniques et ses applications. Cette nouvelle approche pourrait être la clé pour étudier des processus multi-échelle dans l’espace et le temps, qui sont omniprésents en biologie. Cette étude illustre le potentiel transformateur de la détection basée sur les événements dans l’imagerie de fluorescence à super-résolution, offrant de nouvelles perspectives en biologie, en applications médicales, en science des matériaux et au-delà.


À gauche, le principe de la détection événementielle : réponse d’une caméra classique et d’un capteur événementiel (EBS pour event-based sensor). a : profil simulé I(t) d’un fluorophore s’allumant et s’éteignant ; b : signal renvoyé par une caméra idéale avec un temps d’exposition de 30 ms (images simulées correspondantes affichées au-dessus du graphique) ; c : signal renvoyé par un EBS, avec des événements positifs et négatifs générés lorsque la molécule s’allume et s’éteint.
À droite, images de fluorescence à super-résolution Eve-SMLM de cellules COS-7 fixées marquées avec le fluorophore AF647 contre α-tubuline. d-e : image Eve-SMLM 2D obtenue avec tous les photons dirigés vers le capteur événementiel. f-g-h : imagerie bio à haute densité obtenue avec un beamsplitter 50:50 répartissant les photons d’émission entre l’EBS et une caméra EMCCD, temps d’acquisition total de 250 s. f : vue globale obtenue avec l’EBS ; g et h montrent une région agrandie obtenue avec l’EBS et l’EMCCD, respectivement, mettant en évidence la performance supérieure de l’EBS dans le régime de haute densité.

Cet article est à l’honneur sur le site de CNRS Ingéniérie.

References
Event-based vision sensor for fast and dense single-molecule localization microscopy
Clément Cabriel, Tual Monfort, Christian G. Specht & Ignacio Izeddin
Nature Photonics (2023)

Contact :

Ignacio IZEDDIN
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Clément CABRIEL
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clement.cabriel (arobase) espci.fr

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