La déformation des roches implique des processus d’endommagement tels que la nucléation de fissures, l’effondrement des pores, l’écrasement des grains, la fracturation macroscopique et la rupture. Ces dommages se caractérisent par une diminution de la résistance et du module du matériau et peuvent être mesurés par sondes acoustiques actives. Ces dommages peuvent aussi être étudiés par la microsismicité associée due à la propagation dynamique des fissures (rupture sismique). À l’échelle géologique, les tremblements de terre ou les glissements asismiques peuvent se produire en réponse aux déformations à long terme par exemple dues à la tectonique des plaques. Près de la surface (< 10 km), les failles sont typiquement constituées d’une zone étroite très fracturée composé de matériaux granulaires presque non cohésifs, dans lesquels les ondes sismiques se propagent lentement et sont fortement diffusées, entouré de roches plus ou moins endommagées. Cependant, la manière dont les dommages et la cohésion des roches contrôlent le glissement frictionnel et les distributions de sismicité n’est pas bien comprise.
Pour étudier ce problème, des chercheurs de l’Institut Langevin, de l’Université Grenoble Alpes et de l’Université Paris Nord ont réalisé des expériences en laboratoire [1] et des simulations numériques [2] pour suivre la transition de l’état cohésif à l’état non cohésif de matériaux granulaires cimentés synthétiques sous chargement œdométrique (Fig. 1a). Ici, l’endommagement est suivi à la fois en mesurant l’évolution de la vitesse des ondes P (Fig. 1b) et les émissions acoustiques (EAs) (Fig. 1c). Le résultat clé est l’introduction d’un indicateur de décollement des joints entre des grains à l’échelle des contacts grâce aux vitesses d’ondes P mesurée sans confinement. De plus, ils montrent que le comportement macroscopique fragile (sismique) et ductile (asismique) des milieux granulaires cimentés est contrôlé par des processus locaux à l’échelle des contacts.
En associant leurs observations expérimentales et les simulations numériques, les chercheurs ont démontré qu’une faible déformation macroscopique suffit à provoquer d’importantes déformations microscopiques des joints, extrêmement hétérogènes. Ils ont aussi observé qu’une quantité minime de joints endommagés est responsable à la fois d’EAs et d’une diminution importante des vitesses d’ondes P. Ces ondes pourraient être utilisées comme sonde des processus subtils de déformation transitoire, tels que les phases d’initiation des séismes.
Figure 1 : (a) Schéma du montage. (b) Détection active. (c) Écoute passive. (d) Visualisation par simulations numériques des chaînes de forces (rouge) et des EAs (vert).
Références :
[1] V. Canel, X Jia, M. Campillo, and I. Ionescu
“Acoustic monitoring of compaction in cohesive granular materials,”
Phys. Rev. E 109, 024902 (2024)
[2] V. Canel, M. Campillo, X Jia, and I. Ionescu
“Damage in cohesive granular materials : simulations and geophysical implications,”
Compte Rendus Géoscience 355, no. S, 1-21 (2023)
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