Un résonateur acoustique non linéaire pour imiter les cellules ciliées de l’oreille interne

L’oreille dépasse de loin les performances de simples microphones. Sa capacité à percevoir la fréquence des sons dépasse largement ce que l’on pensait physiquement réalisable. Elle offre une plage auditive allant de 20 Hz à 20 kHz, avec une dynamique s’étendant de 0 à 120 dB. Ces performances remarquables découlent en grande partie du fonctionnement d’une structure complexe de l’oreille interne, la cochlée. Cette structure, en forme d’escargot, abrite les cellules ciliées qui sont responsables de la mécano-transduction, c’est-à-dire la conversion des vibrations acoustiques en signaux nerveux interprétables par le cerveau.

Dans les années 50, Thomas Gold avançait l’idée audacieuse que la cochlée n’est pas un simple récepteur passif, mais plutôt le siège de mécanismes actifs nécessitant une source d’énergie supplémentaire. En effet, selon lui, l’application d’un signal entraîne une cascade d’événements qui témoignent du caractère vivant de cet organe. Plus tard, Duke et Julicher ont élaboré un modèle théorique expliquant que les cellules ciliées se comportent comme des résonateurs actifs, opérant de manière non linéaire autour d’une bifurcation de Hopf.

Des chercheurs de l’Institut Langevin ont récemment réalisé une expérience permettant d’imiter le fonctionnement des cellules ciliées. Ils ont conçu un dispositif simple utilisant un résonateur quart d’onde associé à une boucle de rétroaction, inspiré du modèle de Duke et Julicher. Cette boucle de rétroaction intègre un microphone, un microcontrôleur et un haut-parleur. En réglant le gain de manière non linéaire pour atteindre un point de fonctionnement proche de la bifurcation de Hopf, leur objectif était de reproduire les caractéristiques des cellules ciliées.

Les résultats obtenus ont permis de recréer des phénomènes auditifs caractéristiques, tels que l’amplification cochléaire, ainsi que des effets observés en psychoacoustique, comme l’effet masquage et l’effet fantôme. Cette avancée ouvre de nouvelles perspectives dans la compréhension et la modélisation de la perception auditive, avec des implications potentielles dans le domaine de la technologie et de la santé.


Figure : Résonateur acoustique quart d’onde, composé d’un tube de Plexiglas de 10 cm de long surmonté d’un bouchon imprimé en 3D. Un microcontrôleur permet de créer une boucle de rétroaction entre un microphone et un haut-parleur.

Reference :
J. Reda, M. Fink, and F. Lemoult
A non-linear delayed resonator for mimicking the hearing haircells.
Europhysics Letters, 144 (2023), 37001

Contact :

Fabrice LEMOULT
Tél. : 01 80 96 30 50
Fabrice.Lemoult (arobase) espci.psl.eu

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